CHRONIQUE | REBAPTISATION DU BOULEVARD GÉNÉRAL DE GAULLEMamadou Dia honoré, mais une inclusion républicaine oubliée
avril 7, 2025
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Par: Colylamine Il était temps. Le boulevard Général de Gaulle, autrefois avenue du Centenaire, a été officiellement rebaptisé boulevard Mamadou Dia, en hommage à l’un des plus grands
Par: Colylamine
Il était temps. Le boulevard Général de Gaulle, autrefois avenue du Centenaire, a été officiellement rebaptisé boulevard Mamadou Dia, en hommage à l’un des plus grands bâtisseurs de l’État sénégalais moderne. Une décision forte, hautement symbolique, qui vient réparer un oubli de l’Histoire et inscrire dans l’espace public le nom d’un homme d’exception.
Maodo, comme l’appellent affectueusement ceux qui l’ont connu et admiré, fut le tout premier président du Conseil du Sénégal, aux côtés de Léopold Sédar Senghor. Visionnaire, économiste, panafricaniste et profondément attaché à la justice sociale, Mamadou Dia était aussi un homme de terrain, proche des populations. Son ancrage avec la Médina est historique : c’est là qu’il résidait, dans la célèbre « Keur Dia », aujourd’hui transformée en Maison de la Culture Douta Seck.
Le choix de ce boulevard n’est donc pas anodin. Il traverse les quartiers de la Médina, de Fass et de Colobane, territoires riches d’histoire et de luttes, où le peuple a souvent écrit des pages déterminantes de notre histoire nationale. Rebaptiser cet axe du nom de Mamadou Dia, c’est aussi reconnaître la mémoire des quartiers populaires, souvent marginalisés dans les politiques d’aménagement urbain.
Mais cette initiative, saluée pour sa portée mémorielle, a été entachée d’une grosse fausse note : l’absence totale d’implication des autorités municipales directement concernées. Ni le maire de la Médina, Bamba Fall, ni celui de Gueule Tapée – Fass – Colobane, Abdou Aziz Paye, n’ont été officiellement consultés, ni associés au processus décisionnel, pas davantage impliqués dans la planification d’une quelconque cérémonie protocolaire consacrant cette importante rebaptisation.
Dans un État qui se veut démocratique et républicain, cette omission pose question. Elle entre en contradiction avec l’esprit même de l’Acte III de la décentralisation, qui renforce le rôle, les compétences et l’autonomie des collectivités territoriales. Comment comprendre qu’à l’heure où les communes sont appelées à jouer un rôle central dans la gouvernance locale, leurs édiles soient mis à l’écart d’une démarche aussi symbolique que républicaine ?
Ce manque d’inclusion institutionnelle heurte non seulement la dignité des élus locaux, mais aussi celle des populations qu’ils incarnent. Comment espérer que ces communautés s’approprient pleinement cette décision si leurs représentants légitimes n’y sont pour rien ?
Il ne s’agit pas ici de protocole ou d’égo, mais bien d’un principe fondamental : celui de l’élégance républicaine, qui exige que chaque niveau de pouvoir soit respecté et valorisé, surtout lorsqu’il s’agit d’honorer la mémoire d’un homme aussi fédérateur que Mamadou Dia.
La rebaptisation du boulevard aurait pu – et aurait dû – être une grande communion citoyenne, un moment d’unité, de partage et de reconnaissance. Elle devait rassembler, unir les mémoires, donner sens à notre histoire collective. Au lieu de cela, elle laisse pour l’instant un goût d’inachevé à ceux qui en sont les premiers concernés : les habitants de la Médina, de Fass, de Gueule Tapée et de Colobane.
Espérons que cette maladresse soit rapidement corrigée, et qu’à l’avenir, les communes soient reconnues pour ce qu’elles sont : des actrices à part entière de l’action publique, des partenaires essentiels des grandes décisions de la République. Car célébrer Maodo, c’est aussi faire vivre ses valeurs : justice, inclusion, proximité. C’est, surtout, mettre en œuvre ce triptyque qui doit nous guider collectivement : « Jub, Jubal, Jubanti ».