RÉFORME DU RÈGLEMENT INTÉRIEUR : LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL FREINE L’ ASSEMBLÉE NATIONALE
juillet 25, 2025
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Plusieurs articles de la réforme du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, adoptée fin juin par une large majorité, ont été censurés ce vendredi 25 juillet par le Conseil
Plusieurs articles de la réforme du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, adoptée fin juin par une large majorité, ont été censurés ce vendredi 25 juillet par le Conseil constitutionnel. En cause : des atteintes à la séparation des pouvoirs et aux garanties constitutionnelles.
Coup d’arrêt pour l’Assemblée nationale. Dans une décision rendue ce vendredi 25 juillet, le Conseil constitutionnel a invalidé plusieurs dispositions clés de la réforme du règlement intérieur, adoptée fin juin par 138 députés sur 165. Ce texte, porté comme un projet phare par le président de l’Assemblée, Malick Ndiaye, élu en décembre 2024, visait à moderniser l’hémicycle et à renforcer les pouvoirs de contrôle des députés. Il bénéficiait également du soutien des parlementaires Mohamed Ayib Salim Daffé (Pastef), Aïssata Tall (Takku Wallu Sénégal) et Tafsir Thioye (non-inscrit).
Mais la haute juridiction en a censuré les articles les plus sensibles, notamment ceux relatifs à l’élargissement des prérogatives des commissions d’enquête parlementaires. Le Conseil a jugé que certaines de ces mesures portaient atteinte aux principes fondamentaux de l’État de droit.
Au centre de la censure figure l’article 56, qui autorisait désormais le président de l’Assemblée nationale à requérir la force publique pour contraindre une personne à comparaître devant une commission d’enquête. Le Conseil constitutionnel a estimé que cette disposition violait l’article 91 de la Constitution, garantissant l’indépendance du pouvoir judiciaire. Une telle contrainte, souligne-t-il, pourrait s’exercer de manière abusive, y compris à l’encontre de magistrats en exercice ou de citoyens non mis en cause, compromettant ainsi les droits fondamentaux.
Sur la question de l’audition des magistrats, le Conseil a toutefois introduit une nuance. Il reconnaît la possibilité pour les commissions parlementaires d’entendre des magistrats en exercice, mais à des conditions strictes : la comparution doit être volontaire, elle ne peut concerner que l’organisation du service public de la justice, et elle doit exclure tout lien avec des affaires judiciaires en cours ou passées. Par ailleurs, la saisine préalable du ministre de la Justice reste obligatoire.
Autre revers : l’article 57, alinéa 4, qui offrait aux commissions d’enquête la possibilité de saisir directement le Procureur de la République, a également été déclaré inconstitutionnel. Le Conseil a rappelé que cette prérogative relève strictement de l’exécutif. Une commission parlementaire ne saurait donc se substituer au parquet.
Si certaines avancées ont été validées notamment celles encadrant la levée d’immunité parlementaire ou les modalités de remplacement du président de l’Assemblée , cette censure partielle fragilise l’équilibre que la réforme entendait instaurer entre les pouvoirs législatif et exécutif.
La décision du Conseil constitutionnel relance ainsi un débat de fond : jusqu’où peut aller le pouvoir législatif dans un système institutionnel encore marqué par des tensions ? Le bras de fer entre les principes de séparation des pouvoirs et les ambitions de contrôle démocratique est plus que jamais d’actualité.