Par Babou Biram Faye

Il flotte, depuis quelque temps, un parfum étrange dans l’atmosphère politique sénégalaise. Un parfum lourd, âcre, qui ne rappelle ni la grandeur des institutions ni l’élégance du débat républicain. Non. Ce que nous respirons aujourd’hui, c’est la fumée âpre d’un affrontement inédit : la République des kulunas contre les kulunas de la République.

D’un côté, une cohorte turbulente, bruyante, sans légitimité mais dotée d’une agressivité déconcertante. Ils opèrent dans les coulisses, sur les réseaux sociaux, parfois même dans la rue. Leur spécialité : l’insulte, la menace, la pression, l’intimidation.

Ce sont les kulunas version 2.0, des milices numériques qui se sentent missionnées pour dresser des listes d’ennemis, détruire des réputations, imposer un récit politique par la terreur virtuelle.

Parmi eux, émerge la figure mystérieuse d’un certain Akhenaton, Ousseynou Seck de son vrai nom, un personnage fictif, mais, tellement « crédible », à leurs yeux, qu’on croirait le voir apparaître derrière chaque vague d’attaques en ligne.

Akhenaton ne sort jamais. Il ne parle jamais publiquement. Il ne se montre jamais. Mais, derrière son écran, il orchestre, avec une précision clinique, une meute numérique entièrement vouée à son « génie ».

Son arme préférée ?

Le fameux « 72 », sorte de décret informel qu’il lance dès qu’une voix ose diverger de leurs opinions figées, parfois même fanatisées.

Quand Akhenaton déclenche un «72», la cible (journaliste, politicien, universitaire, simple citoyen) subit une avalanche de messages insultants, de moqueries, de photos détournées, de menaces codées ou explicites. Rien n’est épargné : la famille, l’ethnie, les origines, les chefs religieux, les affiliations supposées.

Un vrai kuluna invisible, mais, « puissant ». Intouchable. Installé dans une forteresse numérique où il joue au chef de guerre idéologique, pendant que son leader politique, souvent sarcastique et volontiers incendiaire, profite tranquillement du chaos. Dans sa (sale) besogne, il n’épargne même pas le Président de la République, en tant qu’Institution.

De l’autre côté, les kulunas de la République, ceux de l’intérieur du système, ceux qui portent costume, titre officiel et légitimité institutionnelle.

Eux aussi manient la brutalité politique, mais, avec élégance et hypocrisie : intox feutrée, coups bas institutionnels, manipulation administrative, attaques ciblées sous couvert de respectabilité.

Et au milieu de tout cela, une évidence : la République souffre.

Le débat politique recule. La hauteur d’État s’effrite. La parole publique se dégrade.

La démocratie devient un ring où l’on se bat à coups de rumeurs, de décrets numériques, d’intimidations et d’attaques ethniques dangereuses.

Pendant que les kulunas (d’en haut comme d’en bas) s’entredéchirent, les vraies urgences disparaissent de l’agenda : la vie chère, la cohésion sociale, l’emploi des jeunes, l’équilibre institutionnel, la dignité nationale. La République vacille. Le commun vouloir de vie commune s’effrite….

Le Sénégal n’a pas besoin de ces gladiateurs numériques ni de ces stratèges de la brutalité institutionnelle.

Le Sénégal a besoin de calme, de responsabilité et de vérité.

Il a besoin que ceux qui prétendent parler pour le peuple commencent enfin à respecter ce peuple.

La République n’est pas un champ de bataille.

Elle est un héritage.

Elle est un engagement.

Elle doit rester un espace de dignité, et non un terrain de jeu pour kulunas visibles ou invisibles.

Le Sénégal mérite mieux.

Beaucoup mieux.

Que Dieu sauvé le Sénégal !

Excellente journée à toutes et à tous sous la protection divine!

BBF