Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt et professeur à Sciences Po
- juillet 5, 2024
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L’auteur sénégalais, récompensé en 2021, s’exprime sur la possible arrivée de l’extrême droite au pouvoir en France : « Je dis tout cela sans pessimisme : quoi qu’il
L’auteur sénégalais, récompensé en 2021, s’exprime sur la possible arrivée de l’extrême droite au pouvoir en France : « Je dis tout cela sans pessimisme : quoi qu’il
L’auteur sénégalais, récompensé en 2021, s’exprime sur la possible arrivée de l’extrême droite au pouvoir en France :
« Je dis tout cela sans pessimisme : quoi qu’il arrive ce dimanche, le pire ne disparaîtra pas. Il est déjà là et demeurera. Dans le moins affreux des cas, dimanche prochain, un sursaut serait un sursis. Mais il y a, du point de vue tactique, une différence capitale entre affronter un pire qui a le pouvoir et un pire qui le détient presque. Voilà pourquoi, avec l’impuissance de l’étranger sans vote, mais qui a un regard puisqu’il est regardé, j’espère que le RN n’aura pas de majorité.
J’espère que les Français qui répugnent encore le racisme, l’inculture ou la malhonnêteté historique, la simplification brutale du réel, la discrimination organisée, le goût des instincts petits, la misomusie sotte, la violence glorifiée, le sexisme satisfait, s’opposeront au RN.
Je ne découvre rien de tout cela. Je suis Noir, non-français : je sais ce que je représente ici. Écrivain reconnu ou pas, je sais depuis longtemps où je vis. Ce pays peut être merveilleux ; il l’a été pour moi. Mais je n’y oublie jamais ce qu’une partie (croissante) de sa population, de ses élites politiques, de son histoire, pense de moi (pas « moi » au sens seulement individuel). Alors que la « loi immigration » s’apprêtait à être validée par un gouvernement (dont le chef appelle aujourd’hui à faire barrage contre le RN, qui avait vu « une victoire idéologique » dans cette loi), j’écrivais : « …les législations sur les étrangers sont toujours des galops d’essai politiques, des laboratoires. L’horizon de cette loi n’est pas seulement de désigner, dans la population des immigrés, qui est gardable et qui est irregardable, mais bien de distinguer chez les Français eux-mêmes, parmi lesquels, bien sûr, se trouvent des gens aux origines étrangères, entre vrais et faux. Oui, ça pue. Le langage de la souche n’est pas loin ».
Nous y sommes : la grande centrale du tri. Ce n’est plus une affaire qui ne concernerait que les « autres ». La victoire est d’abord idéologique. Ensuite, elle aspire à être politique et sociale. Ensuite, elle visera au biologique. Ensuite ? Vous le savez. Le fond de la chose est celui-ci. Rien d’autre. C’est contre ça qu’il faudra (continuer à) se battre dès dimanche, quoi qu’il se produise. »
Redaction: Dakmedina.com