23 December 2024
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DÉCOUVERTE D’UNE PIROGUE REMPLIE DE CADAVRES AU LARGE DE DAKAR Au quartier Tefess de Mbour, des familles ont déjà fait le deuil

  • septembre 28, 2024
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La pirogue remplie de cadavres découverte, dimanche dernier, au large de Dakar a emporté avec elle beaucoup d’espoir. À Tefess, quartier de Mbour, des familles sont dans le

DÉCOUVERTE D’UNE PIROGUE REMPLIE DE CADAVRES AU LARGE DE DAKAR Au quartier Tefess de Mbour, des familles ont déjà fait le deuil

La pirogue remplie de cadavres découverte, dimanche dernier, au large de Dakar a emporté avec elle beaucoup d’espoir. À Tefess, quartier de Mbour, des familles sont dans le deuil depuis cette découverte macabre. Parmi elles, celle de Bayatt Diop qui dit avoir perdu six membres, tous emportés par cette énième tragédie de l’émigration irrégulière.

MBOUR – Un air de désolation flotte sur les habitations qui bordent la plage de Tefess, le quartier des pêcheurs de Mbour. Le paysage offre un panorama de pirogues accostées dont certaines n’ont pas pris la mer depuis des mois, à en juger par leur état et la distance qui les sépare du grand bleu. Devant l’immensité de l’océan qui s’étend à perte de vue, seule la chute des vagues et le bruit innocent des enfants en baignade sont audibles. Dans ce quartier, tout le monde est en deuil. Impossible de faire deux cent mètres de marche sans tomber sur une bâche soigneusement installée.

Non loin de la mosquée, à quelques pas de la plage, la famille Diop organise les funérailles de ses enfants. Au total, six membres de cette famille avaient embarqué dans une pirogue, il y a plus d’un mois. Après la découverte de la pirogue en dérive, dimanche dernier, au large de la capitale sénégalaise, avec une trentaine de corps sans vie, la famille Diop a reconnu que ses enfants sont de ce lot. « Quand j’ai vu la vidéo sur les réseaux sociaux, j’ai automatiquement identifié les membres de ma famille. Mes deux fils et mes quatre petits-enfants sont tous morts », a confié Bayatt Diop. Chapelet en perles noir et blanc autour du coup, chéchia bien serré, le visage crispé, il s’accroche sur le poteau en ciment qui tient la cabane de fortune qui sert de grand place. Malgré le sourire d’espoir qu’il affiche, il est dévasté par la mort brutale de ses deux fils et quatre petits-fils.

Mercredi dernier, hommes et femmes, parents, voisins, amis et simples connaissances sont venus témoigner à la famille leur soutien. Ainsi se récite à tour de rôle la litanie des « Sigiil Ndigale » (condoléances) qui obligent Bayatt à rétorquer quelques mots. Sinon, ce dernier semble plonger dans un bruissant silence, empreint d’émotion et de douleur. « Je ne peux que m’en remettre à Dieu. Mais, je sais que j’ai perdu de braves fils. J’ai perdu des bras valides. C’est triste de voir ses enfants mourir dans ces conditions », a-t-il partagé d’un ton très funeste.

Depuis quarante longues journées, Bayatt Diop et sa famille ont été plongés dans un océan d’incertitudes. Ils étaient entre prières, espoir et désespoir. Et c’est une vidéo lue sur les réseaux sociaux qui va éteindre à jamais les dernières lueurs d’espoir. Cette énième tragédie vient alourdir la liste macabre des victimes de l’émigration irrégulière qui décime la jeunesse de Mbour et du reste du pays. À Tefess, comme dans les autres quartiers, presque toutes les familles sont touchées par le phénomène. Mais, depuis le début du mois de septembre, les morts et les disparus dans les eaux se comptent par dizaines.

Espoir et prières pour l’avenir

Dans cette grande famille, la pêche constitue la principale source de revenus. Avec la raréfaction des ressources halieutiques, les membres de l’équipage rêvent d’un avenir meilleur ailleurs. Et malheureusement, ce sont des centaines de rêves et de désirs qui sont emportés par les eaux. L’océan, jadis généreux, est devenu un mouroir pour les jeunes pêcheurs en partance vers l’Europe. « Tous ces départs sont justifiés pour la plupart par le chômage qui sévit depuis des années. Les enfants aussi veulent réussir leur vie. Et nous ne devons pas nous voiler la face. J’ai la certitude que les jeunes allaient rester au pays, s’ils peuvent y trouver du travail. Ils savent qu’en Europe, ce n’est pas facile, mais ils y vont avec l’espoir de trouver un avenir meilleur. Cet espoir-là, nous devons le donner à nos enfants » s’est époumoné Bayatt Diop.

Cette journée de prière a été organisée pour noyer le chagrin de la famille Diop. Après le deuil, le père prévoit d’aller se recueillir sur les tombes de sa défunte progéniture. Dans sa mélancolie, l’ancien pêcheur estime que le gouvernement doit prendre ses responsabilités pour permettre aux jeunes, désireux de voyager, de disposer de visa. Car, dit-il, à l’ère de la mondialisation, la circulation des personnes et des biens doit être une réalité.

Plus de 60 pirogues interceptées depuis le premier semestre 2024

Selon les chiffres de la Division nationale de lutte contre le trafic des migrants et pratiques assimilées, plus de 60 pirogues transportant des migrants ont été interceptées dans les côtes sénégalaises au premier semestre de 2024. Plusieurs arrestations ont été effectuées. Près de 210 présumés convoyeurs sont arrêtés et déférés durant cette même période. Mais, la répression ne semble pas dissuader les candidats à l’émigration irrégulière. Déjà le 8 septembre dernier, une pirogue avait échoué au large de Mbour, faisant 39 morts et des dizaines de disparus. Trois jours après, le chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, s’est rendu sur le lieu du drame où il avait annoncé « une traque sans répit des convoyeurs ».

Pour des jeunes comme Abdoulaye Sy, cousin des victimes de la famille Diop de Tefess, ces mesures ne vont pas régler la situation. Menuisier métallique de son état, le jeune homme avait tenté de voyager en 2006. À l’époque, Laye, pour paraphraser les intimes, avait réuni une somme de trois millions de FCfa et tous les papiers à l’exception du visa. Ce sésame lui a été refusé après plusieurs tentatives. À peine la quarantaine, le jeune homme chétif en jean assorti d’un Lacoste rouge n’a pas oublié cette époque. Il demeure convaincu que ce fléau migratoire ne peut être atténué que par une forte augmentation d’octroi de visas aux jeunes sénégalais. « On m’a refusé à plusieurs reprises le visa. En 2006, j’avais demandé le visa pour l’Espagne. C’était sans succès. J’ai essayé encore et encore. Toujours le même résultat. Finalement, je me suis découragé et j’ai décidé de rester au pays pour exercer mon métier de menuisier métallique. Mais je pense que la politique de visa doit être repensée pour permettre aux jeunes de pouvoir voyager en toute sécurité pour poursuivre leurs rêves », a-t-il suggéré.

Par Diégane DIOUF (Correspondant)

Redaction: Dakmedina.com

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