9 June 2025
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Décès du musicien-compositeur Mamadou Abou Ba dit Bah Moody: Le Bluesman Peul, un génie mystérieux s’en est allé

  • mai 22, 2024
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L’artiste musicien sénégalais Mamadou Abou Ba dit Bah Bah Moody est décédé, dimanche 19 mai 2024, dans la matinée. Il a marqué son monde de son empreinte singulière,

Décès du musicien-compositeur Mamadou Abou Ba dit Bah Moody: Le Bluesman Peul, un génie mystérieux s’en est allé

L’artiste musicien sénégalais Mamadou Abou Ba dit Bah Bah Moody est décédé, dimanche 19 mai 2024, dans la matinée. Il a marqué son monde de son empreinte singulière, faite de génie et de maestria. C’est la disparition d’une étoile qui éclairait l’univers culturel du pays, en toute modestie.

Bah Moody est mort. Son nom n’est certainement pas familier à beaucoup de Sénégalais, mais ce musicien-compositeur est une légende. Mamadou Abou Bâ, de son vrai nom, est considéré comme un génie, un artiste majuscule. Il a su traduire comme nul autre l’imaginaire et les sentiments qui tissent la culture peule. Une culture dont il avait la fièvre. Bah Moody était d’ailleurs surnommé « Le Bluesman Peul ». Il était apparu récemment dans le clip « Ndox », en featuring avec Youssou Ndour, pour imprimer son timbre vocal si particulier. Il avait également prêté ce « son » à l’album « Rokku Mi Rokka » (2007) de Youssou Ndour, un opus nominé aux Grammy Awards 2008.

« Bah Moody apparaît sur l’album comme compositeur de la plupart des titres de l’opus (« Lett Ma », « Sama Gamou », « Baay Faal », « Sportif », « Tukki » et « Daabaax »), mais aussi comme sideman, en tant que guitariste. Ainsi, j’ai eu aussi l’honneur de participer à cette collaboration pour défendre les intérêts de Bah Moody », se souvient Mamadou Seck, alias le Berger des arts, sur un post Facebook où il regrette le décès « d’un ami et grand frère ». C’est d’ailleurs Mamadou Seck qui lui avait suggéré « Bah Moody » comme nom d’artiste. « Rarement, voire jamais dans la carrière de Youssou Ndour, un compositeur n’a autant influé sur la couleur d’un album », commente le podcaster Mohamed Sow à propos de cette collaboration. Youssou Ndour a réagi au décès, en déplorant une « très grosse perte » et en saluant la mémoire d’un « très grand artiste, un orfèvre de la musique ». « Bah Moody était un musicien hors du commun », considère le critique d’art, Oumar Sall, qui dit que le défunt est le meilleur humain qu’il ait rencontré. Il range sa musique dans le courant des artistes qui choisissent la marge, refusant de se plier aux conventions imposées.

Contre-pouvoir

Il classe Bah Moody chez les artistes qui ont fait le choix d’une sorte de contre-pouvoir fait de fantaisie et d’humour, par lesquels ils entendent rendre la grandeur aux petites gens. « Authenticité, fantaisie et humour. En rétablissant ainsi l’équilibre entre art et humanité, Bah Moody infuse une nouvelle vie à des mélodies familières », décrypte le critique et médiateur culturel, Oumar Sall. Pour ce dernier, la guitare et la voix de Bah Moody content des histoires d’énergie et de vérité de l’univers peul, réparti entre le Sénégal, la Mauritanie, le Mali, la Gambie, les Guinée. Une histoire de « nostalgie bienveillante », résume-t-il.

Bah Moody était un maître dans les thèmes du patrimoine peul. Surtout sous le régime pastoral, avec ce parcours qui traverse les deux rives du fleuve et au-delà. Il se plaisait à se définir comme un Maurigalais (Sénégalais et Mauritanien). « À l’entendre chanter, on pense qu’on a affaire à une musique influencée par le blues. En fait, c’est presque le contraire. C’est une des racines du blues. Pétri de talent, il excellait dans la reprise des grands classiques de musique de hoddu (luth peul). Il incarnait le blues, les connexions avec les musiques maures, le raffinement et la simplicité des pasteurs peuls », renchérit le conservateur patrimonial Mamadou Seck.

« Il a toujours été un mythe pour moi. C’était un troubadour. Bah Moody, c’était quelque peu un Souleymane Faye, je dirai même beaucoup plus en profondeur. Tu ne sais pas où le retrouver. On dit qu’il est là, tu y vas et on dit qu’il est tel ou tel autre endroit. Ce côté mystérieux m’a toujours marqué chez lui », témoigne le musicien-compositeur, Moustapha Naham. Ce dernier avait programmé le défunt dans l’édition 2023 du festival Dialawaly de Dagana, dont il est le promoteur. Bah Moody avait éclairé ce rendez-vous artistique de son talent singulier, et marqué les esprits. Moustapha Naham connaissait le défunt mais ne l’avait pas encore rencontré.

C’est Mamadou Seck le « Berger des arts » qui a établi leur contact, après Naham lui avait fait part de son rêve de programmer ensemble Bah Moody, Souleymane Faye et Cheikh Lô. « Il a aussitôt donné son accord, me disant que je n’étais pas plus de Dagana que lui. Dès que j’ai rencontré ce monsieur, j’ai tout de suite su que je vais l’aimer. Il a habité chez moi plusieurs jours, avec toute ma famille, alors que je lui avais trouvé une chambre d’hôtel. Il y est resté bien après la fin du festival », se rappelle Moustapha Naham, la voix empreinte d’émotion. Il a le souvenir d’un homme sympathique, affectueux et taquin. Pour lui manifester son affection, Bah Moody le chambrait en lui disait qu’il allait l’épouser s’il était une femme, et qu’il allait lui jeter un sort s’il refusait.

Eux deux avaient le projet commun de travailler sur quelques titres. Ils devaient ensuite piloter ensemble une production musicale regroupant toutes les ethnies du Waalo dans un studio. Ce qui pouvait être la dernière œuvre de Bah Moody ne restera finalement qu’un projet avec sa mort.

Mamadou Oumar KAMARA

Redaction: Dakmedina.com

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