Vidange des fosses septiques à Guinaw rail Nord: Une difficile évacuation pour les habitants
juillet 5, 2024
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Les problèmes de canalisation et de vidange sont sources de problèmes pour les populations de la commune de Guinaw Rail Nord, dans la banlieue dakaroise. À l’approche de
Les problèmes de canalisation et de vidange sont sources de problèmes pour les populations de la commune de Guinaw Rail Nord, dans la banlieue dakaroise. À l’approche de la saison des pluies, l’inquiétude est le sentiment le mieux partagé. Face à ce problème persistant, ils ont décidé de suer pour être au sec durant l’hivernage.
Guinaw Rail Nord offre un visage peu reluisant aux visiteurs. Dans cette commune de la banlieue dakaroise, sise en face du grand marché à légumes de Thiaroye Gare, les problèmes d’assainissement sont perceptibles à vue d’œil. Quelques algues par-ci, des fosses septiques à ciel ouvert par-là, dégagent une odeur âcre au fur et à mesure que nous nous aventurons dans ce quartier sablonneux. Un peu plus loin, des eaux stagnantes accueillent le visiteur. À quelques encablures de l’école élémentaire de la zone communément appelée « École Barack », Yacine Birame Ndiaye discute avec ses proches, dans leurs maisons, avec la porte principale grandement ouverte, tout en allaitant son bébé. Ici, la cohabitation avec l’odeur des eaux usées, le tout au trou, sont devenus fatalités. Les problèmes de canalisation et de vidange sont des sources de problèmes pour les riverains. Les enfants n’y échappent pas, car ils sont confrontés à des maladies. « Nous sommes vraiment fatigués, surtout durant l’hivernage. Il est difficile de vivre dans cette zone avec nos enfants qui ne jouent ni ne sortent pour aller à l’école coranique, encore moins jouer dehors, à cause des eaux de pluie et des fosses septiques vidées dans les rues. Le quartier devient impraticable. Nous avons toutes les peines du monde pour vider nos fosses septiques », explique-t-elle le cœur serré, les yeux rivés sur son bébé.
Si les habitants de ce quartier de Guinaw Rail Nord sont obnubilés par leurs fosses septiques durant la saison des pluies, c’est parce que les camions-citernes de vidange ne peuvent pas accéder aux maisons à cause des eaux de pluie stagnantes. Ils sont donc obligés de déverser le contenu dans les rues déjà inondées. Le pire, selon notre interlocutrice, c’est qu’ils traversent ces eaux sales à longueur de journée pour sortir ou rentrer chez eux. « Ce n’est certes pas hygiénique, cependant, nous n’avons pas le choix. C’est la seule option qui s’offre à nous, surtout pendant l’hivernage. Si les autorités peuvent nous venir en aide, nous serons soulagés. Avec la montée de la nappe phréatique, les fosses se remplissent facilement », poursuit-elle, avant d’être coupée nette par sa colocataire Marie Camara qui suivait nos échanges avec intérêt. « Dans ce quartier, tout le monde fait du tout au trou, en commençant par nous-mêmes. Parce que nous n’avons pas le choix. Vous voyez le trou dehors, ce sont nos voisins qui y ont vidé leur fosse septique. S’il y avait un assainissement, les eaux de pluie n’allaient pas stagner et les fosses également n’allaient pas se remplir si vite. Nous sommes abandonnés à notre sort », se plaint Marie.
La mine sérieuse, elle continue sa narration tout en tentant de contenir ses émotions. Ils vivent dans ces conditions depuis 2004 ou même bien avant. « Ma fille aînée est née dans les eaux, et à l’époque c’était trop compliqué. Notre maison était impraticable pendant l’hivernage. Ce n’était pas beau de voir les fosses septiques déversées dans la cour, mélangées aux eaux stagnantes des pluies. Aujourd’hui, nous rendons grâce à Dieu. Nous avons pu reconstruire la maison. Notre souci reste quand même la rue », rassure Marie, assise à même le sol, devant une bassine contenant quelques restes de légumes qu’elle commercialise au marché de Thiaroye Gare, situé à peine à un kilomètre de leur quartier.
En réalité, même si la cour de cette demeure est bien aménagée avec des carreaux cassés, sur les murs des chambres, les traces des eaux restent encore visibles. Devant la porte, une fosse perdue déverse dans la rue une eau nauséeuse, avec des algues tout autour des lieux.
Marie Camara (Guinaw Rail) : « Nous avons souvent des lésions cutanées…».
Au-delà du défaut d’assainissement et de vidange des fosses septiques, Marie Camara, la quarantaine, souligne que parfois, en allant au travail, leurs chaussures sont coincées dans la boue. « Nous marchons pieds nus jusqu’à l’arrêt afin de nous acheter une autre paire pour vaquer à nos occupations. En plus de ces difficultés de mobilité, nous souffrons de problèmes sanitaires. Nous avons souvent des lésions cutanées causées par les eaux sales dans lesquelles nous trempons toute la journée. Pas plus tard qu’hier (samedi 29 juin), Yacine a amené son fils à l’hôpital pour des boutons. Il se grattait le corps sans cesse. Ici, les enfants ont fréquemment la diarrhée, pendant l’hivernage », rapporte-t-elle.
À quelques pâtés de maison de là, principalement au quartier Malick Fall, Aminata Thiam, la soixantaine révolue, tient son étal de légumes au détour d’une ruelle de Guinaw Rail Nord, en face de l’école « Barack ». Assise devant son commerce, à l’ombre d’un parasol, elle regarde d’un air évasif les enfants jouer au foot à quelques mètres. Mais la question des problèmes de vidange arrive facilement à la faire sortir de sa torpeur. « Les fosses septiques, n’en parlons même pas. Au réveil, c’est l’eau nauséabonde qui agresse nos narines. Les gens vident leurs fosses quand il pleut durant la nuit. Souvent, ces odeurs se font sentir dans nos chambres. C’est dur. Moi, je ne vends pas ici, pendant cette période. J’amène ma table à l’intérieur et je me déplace juste devant l’école », dénonce-t-elle, tout en clamant son impuissance.
Sous le regard bienveillant de son fils assis devant la porte de leur maison, Aminata Thiam, qui habite à Guinaw Rail depuis plus de 60 ans, estime que si les populations ont des soucis de vidange, cela est en grande partie lié au défaut d’assainissement. Il faut aller jusqu’à l’autre bout de la rue pour verser les eaux usées au quotidien. Chaque année, les autorités font des promesses qu’elles ne tiennent pas, déplore-t-elle. « Nous avons toujours vécu dans ces conditions. Nos belles-filles sont épuisées par cette corvée. Il m’arrive de les soulager en le faisant moi-même après la prière de l’aube. Avant, durant l’hivernage, nous évacuions les eaux avec des seaux à longueur de journée. Aujourd’hui, les choses ont changé, vu qu’on a construit une terrasse. Mais, notre casse-tête reste la rue qui devient impraticable pendant la saison des pluies. Il faut que les jeunes puissent creuser des tranchées pour le drainage des eaux », suggère mère Aminata.
MOUSSA GAYE, SURNOMME « AMBASSADEUR ASKAN WI»
« Pendant l’hivernage, les camions de vidange n’accèdent pas à notre quartier »
« Nous avons certes des problèmes de canalisation, toutefois, les choses ont évolué. Les routes principales sont assainies. Dans notre quartier Malick Fall de Guinaw Rails, nous n’en bénéficions pas encore. Nous nous contentons du drainage manuel des eaux de pluie. C’est le même tourment avec la vidange. Une fois que les tranchées sont creusées, les camions de vidange ne pourront plus accéder aux maisons. Donc, les gens louent des machines de drainage et les tuyaux sont raccordés aux réseaux de canalisation. Ce système crée souvent des conflits entre les familles. Nos voisins d’en face en souffrent plus. Durant l’hivernage, ils ont tout le temps des soucis avec les eaux des fosses septiques, de telle sorte qu’ils ne se préoccupent même plus des eaux de pluie.
Leurs toilettes deviennent impraticables. Si je suis dépassé par leur calvaire, je leur ordonne moi-même de vider leurs fosses dans les collecteurs d’eau publics pour les soulager. Par contre ici, on ne permet pas aux habitants de vider leurs fosses dans les trous creusés à même la rue. Le contenu des fosses septiques est versé dans les collecteurs pendant la saison des pluies. La machine est louée à 10.000 fCfa. Et si c’est les camions de vidange, c’est subventionné par la mairie. Les habitants de Guinaw Rail ne paient que 10 000 fCfa par vidange. Le seul problème, c’est l’accès dans les quartiers durant les trois mois de pluies ».
Quand les habitants assurent l’assainissement
Las d’attendre les promesses des différents maires qui se sont succédé à la tête de leur commune, les habitants du quartier Abdou Diop, de Guinaw Rail Nord, à l’instar de la plupart des quartiers de la banlieue se sont cotisés pour installer des collecteurs d’eau afin d’éviter les inondations et la vidange des fosses septiques dans les rues, surtout durant l’hivernage. En cette matinée de dimanche, des jeunes, munis de pelles et de brouettes s’activent au travail. Ils se chargent de regards pour la canalisation. Une cuve enterrée possédant des branchements latéraux et un tampon sur la partie supérieure vise à simplifier l’accès aux canalisations enterrées. Depuis une semaine, ils se mouillent pour être au sec durant l’hivernage. « Il y avait des travaux que nous avions déjà entamés. Mais, il y a ces trois ruelles qui ne bénéficient pas encore de ces installations. La mairie nous a dit qu’elle n’y pouvait rien. Nous avons donc pris les choses en main pour que l’eau puisse rejoindre ce tuyau. C’est un problème que nous vivons au quotidien. Nous avons tant bien que mal essayé d’y remédier, car c’est avant tout notre cadre de vie. Nous sommes obligés de faire appel aux camions de vidange pour les fosses septiques. Mais avec nos travaux, nous pouvons réduire ces difficultés et faciliter le drainage de l’eau », explique Sadikh Ndiaye, avant de rejoindre le groupe pour la poursuite des installations.
Assis sous l’ombre d’une terrasse, Moustapha Djibril Dème, un des responsables du quartier semble les superviser. L’appui du maire a été attendu, en vain, déplore-t-il. « Nous nous sommes mobilisés avec les moyens du bord. Chaque maison a cotisé presque 50.000FCfa. Nous avons des difficultés d’évacuation des eaux usées et sommes parfois obligés d’appeler les camions de vidange. C’est difficile, mais on arrive à s’en sortir avec nos propres ressources », fait-il savoir. À l’instar du quartier Malick Fall, des jeunes se chargent de vider les fosses septiques, moyennant 8.000 à 10.000 FCfa.