Fabrique de canaris à Bounkiling : Aloute, royaume des maitresses de la poterie
juillet 18, 2024
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Le village de Aloute, situé dans la commune de Diacounda (département de Bounkiling), est connu de toute la région de Sédhiou comme étant le haut lieu de fabrique
Le village de Aloute, situé dans la commune de Diacounda (département de Bounkiling), est connu de toute la région de Sédhiou comme étant le haut lieu de fabrique de canaris. Ici, la poterie reste une activité pratiquée exclusivement par les femmes depuis des générations.
SÉDHIOU – Sur le chemin de Aloute situé dans la commune de Diacounda, département de Bounkiling, on rencontre au détour d’une piste latéritique longue de dix kilomètres, un bosquet à l’entrée du village. Cet épais futé empêche les visiteurs de voir à distance les concessions. En cette matinée peu ensoleillée où les nuages cachent le ciel, le village de Aloute est à peine animé à cause de l’hivernage. Les populations vaquent à leurs occupations, dominées par les travaux champêtres. Cette belle localité a un paysage admirable et attrayant, où les palmiers forment une haie et bordent le long des pistes. Dans cette contrée, les populations et les visiteurs respirent de l’air pur. Au milieu du village, un grand espace en forme de cercle reçoit les visiteurs. Ce site est rempli de cendre et de brûlis. Ici, les femmes potières mettent la main aux derniers réglages, pour fabriquer divers récipients, dont des canaris, des calebasses et autres accessoires.
Ce village, situé dans la commune de Diacounda, non loin de la route nationale (Rn4), connaît deux activités économiques phares : l’agriculture et l’exploitation de la poterie exclusivement exercée par des femmes, depuis des générations.
Fatou Dabo, potière résidente du village, tient son atelier dans sa maison familiale, à l’image de beaucoup d’autres potières. Située à quelques mètres de la place publique, la demeure des Dabo fait partie des maisons les plus réputées dans la fabrication des canaris. Chez eux, comme partout ici, ce métier se transmet de génération en génération. Dans la demeure, sont rangés des récipients fabriqués à base de terre cuite. Juste à l’entrée de son atelier, se dresse une grande tente où sont éparpillés des récipients en cours de fabrication. On en voit de toutes sortes, des calebasses, des canaris, des vases et sans compter l’argile, la matière première.
À côté, un bâtiment dominé par le poids de l’âge est utilisé pour garder des canaris prêts à être livrés aux clients.
Un métier qui fait vivre
Le métier de la poterie génère une certaine économie. Fatou Dabo ne se plaint pas. « Nous gagnons beaucoup d’argent dans ce métier, hérité de nos parents. Nous fabriquons toutes sortes d’objets avec l’argile qui constitue la principale matière première », assure Fatou Dabo. Les produits sont vendus à Sédhiou, à Médina Wandifa, Bignona mais aussi à Ziguinchor, « et parfois les clients viennent nous trouver au village », souligne Fatou Dabo. La pièce de canari est vendue à 6000 F Cfa, les vases à 1000 Fcfa et les encensoirs à 1000 FCfa.
Aujourd’hui, « j’ai fait beaucoup de réalisations dans mon village. Ce métier me nourrit et me permet de régler mes problèmes », fait noter Fatou Dabo qui a hérité ce métier qu’elle pratique depuis 10 ans, de sa mère.
Moussoucouta Mandiang, elle aussi potière, abonde dans le même sens. Elle estime que le métier permet de prendre en charge les différents besoins. Même si, poursuit-elle, « le travail est très prenant ». Dans le processus de fabrication, avoue-t-elle, il faut aller chercher l’argile au niveau des berges, la malaxer à l’aide d’une planche issue du rônier, puis fabriquer le modèle que l’on veut. Pour la finition, fait savoir Moussoucouta Mandiang, il faut le brûler à l’aide de la paille de riz et les excréments des vaches (déchets).
Un grand savoir faire
Dans chaque maison du village, on trouve une potière et un petit coin servant d’atelier. Cette tradition qui se transmet de mère en fille a encore de beaux jours à Aloute. Les ustensiles de cuisine, baignoires, encensoirs ou autres objets, ici tout se fait de manière traditionnelle.
L’argile utilisée est extraite des berges du fleuve, mais aussi au niveau des bolongs, avant d’être dessalée puis malaxée à des coquillages réduits en poudre. Ce mélange permettra plus tard d’éviter que les poteries aient des bulles d’air lors de leur cuisson.
Ainsi, pour donner forme à l’argile, la potière se sert-elle d’une coupelle en terre cuite pour le modelage de base, puis une planche qui va donner la régularité à la pièce conçue. Les ficelles et bouts de plastique seront utilisés pour les finitions et les dessins sur la poterie. Ensuite, la belle couleur ocre apparaît. La dernière étape de cette magnifique fabrique est celle de la cuisson qui peut prendre 5 jours, quand il s’agit des grandes pièces. Mais pour les petites pièces, cela prend 3 jours. « Il n’y a pas de four pour cuire les poteries, on utilise la méthode rudimentaire, c’est-à-dire à même le sol », se désole Amy Sané, potière à Aloute.