PORTRAIT Gun Mor, le fringant continuateur
- octobre 12, 2024
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Meilleur rappeur de l’année, Choix du peuple et Meilleure mixtape au Galsen Hip Hop Awards 2023. C’est le palmarès glané par Gun Mor après la sortie de son
Meilleur rappeur de l’année, Choix du peuple et Meilleure mixtape au Galsen Hip Hop Awards 2023. C’est le palmarès glané par Gun Mor après la sortie de son
Meilleur rappeur de l’année, Choix du peuple et Meilleure mixtape au Galsen Hip Hop Awards 2023. C’est le palmarès glané par Gun Mor après la sortie de son album « Feu de joie ». Ce dernier est un opus qui, outre le panache qui dessine ses treize morceaux, sonne comme une carte d’identité sonore de la personnalité du jeune artiste rappeur.
Gun Mor, 27 ans depuis hier, est un phénix qui en est à sa première vie. Il est né des cendres des pionniers du hip hop. Ceux-là qui avaient profondément le souci de leur art et en épousaient toute la noblesse et ses vibrations. « Enfant prodige », titre intro de son dernier album « Feu de joie », pourrait définir Momar Ndiaye (son nom à l’état civil). Il a toujours été brillant et bouillant, dégourdi et inventif, voulant toujours proposer avec ténacité et talent plus que ce que lui permet son âge. Il ne faut surtout pas se fier à la gueule d’ange de Gun Mor ! Son opus a allumé un réel feu de joie dans l’univers du hip hop, apportant de sa lumière et des énergies bienvenues. Tout feu tout flamme.
Très bien reçu par les critiques et férus du rap, ce troisième projet de Gun Mor sorti en septembre 2023, après les deux Ep « Interlude » (2023) et « Coups de feu » (2021), est un nectar d’arts. La pochette et l’album-photos réalisés par Sidy Talla d’Eyelit Studio renseignent déjà sur la volonté manifeste de visiter le patrimoine, de sublimer la culture et de s’inspirer du grand âge. Les lectures qui accompagnent les sons, en textes expliqués, amplifient un message techniquement et esthétiquement portés par les lyrics. Ce n’est pas rien que « Feu de joie » sonne dans une curieuse analogie avec « The College dropout » de Kanye West. Par la hargne, la créativité, la rupture, les références marquées, la culture éclairée et affirmée, l’engagement, et le génie. Mais surtout, par l’authenticité.
Gun Mor promet d’exposer cette batterie le 9 novembre, au Stade de Mbao, dans « un concert qui sera historique de créativité et de spectacle ». Le public entendra aussi quelques perles de son nouveau projet de 15 titres, « O.M.T. » qui doit paraitre ce samedi 12 octobre et verra la participation de quelques ténors du rap Galsen.
« Feu de joie », une lumière rédemptrice
« Bois Caïman » (titre 5) est irrigué de l’esprit de recherche qui colore et accorde l’album « Feu de joie ». Gun Mor évoque la révolte des esclaves marrons en Haïti, qui part d’une réunion nocturne de ces opprimés en août 1791 pour devenir l’acte fondateur de l’indépendance du pays, pour chanter le devoir et le droit de liberté. « J’ai étudié Histoire et Civilisations à l’Université Assane Seck de Ziguinchor. J’ai eu ma licence, avant de basculer dans la géopolitique et les relations internationales. C’est là-bas que j’ai été mieux imprégné des questions liées à l’esclavage, quoique ça ait toujours été un sujet qui me passionne. Même au cinéma, j’ai un attrait tout particulier pour les films qui évoque cette traite des Noirs », éclaire Gun Mor, qui écoute beaucoup le reggae et la soul, à côté du rap, ainsi qu’il cite à souhait Thierno Souleymane Baal, Cheikh Anta Diop, entre autres intellectuels résistants.
Il dit accorder du prix à la recherche, mais aussi aux voyages ainsi qu’aux rencontres humaines et d’autres environnements. C’est là, conçoit-il, qu’on se renouvelle et peut proposer de nouvelles choses. « Je ne suis pas une révélation, mais une révolution », professe Gun Mor dans « Rebel » (Titre 4). La messe est claire. Il est là, dit-il, pour éterniser son nom et être la lumière qui fend l’obscurité dans laquelle s’évanouit de plus en plus le hip hop maintenant. Voilà pourquoi il privilégie les albums aux singles. « L’album a une cohérence. C’est un projet, un concept. C’est exaltant, car il faut créer un univers de rythmes, de mélodies, de messages, un propos qui doit marquer plus tard les souvenirs, les esprits et les cœurs. Je m’amuse parce que c’est ma passion, mais je ne suis pas là pour rigoler », prononce le sémillant artiste, dont nous avons accueilli la frêle silhouette dans notre rédaction.
Sa musique sent la source. Pas seulement parce que l’Afrique est née en lui plus qu’il y est né (Oxygène africain, Titre 6), mais parce qu’il se passionne à toujours aller boire aux sources de ses sujets et à partager leurs pulsations. D’ailleurs l’esprit de réincarnation survole l’opus. Ce n’est pas à tout hasard que la production est mieux et plus adoptée par les fervents du rap authentique, des premiers âges du hip hop. « Quand j’ai entamé mon art, j’ai énormément écouté et réécouté les classiques. J’en raffolais. Je cherchais des noms et titres dont je n’entendais pas parler, des fonds de marmite, en faisant attention aux moindres traits de création. Je lisais aussi tout ce qui pouvait évoquer l’histoire du monde noir et des mouvements artistiques », relate l’enraciné Gun Mor, qui s’entiche par ailleurs de la musique de Youssou Ndour et de Daara J.
C’est toute cette culture engrangée qui lui a permis d’écrire l’intégralité des textes de son album, et d’être intervenu à tous les niveaux de création. « J’ai eu le fin mot sur tout ce que vous entendez et lisez », confie le jeune homme. Jusqu’à la musique, avec la coordination nickel textes-sons. De la basse et du beat qui secouent le cœur en accompagnant les paroles fortes d’engagement, à la mélancolie qui plane avec les cuivres, et les cordes qui dansent avec l’auditeur. Les textes sont pragmatiques. Les plages, relativement courtes. La musique, entrainante. « Je voulais que les sons soient streamés le plus possible, dit la jeune vedette, avec l’envie permanente chez le mélomane de réécouter ».
Gun Mor, le franc légataire
Gun Mor dit se donner le devoir de s’appliquer car il se considère comme un continuateur, porteur d’un héritage, d’une histoire. Comme un symbole, ce passage dans « La Saga commence » (Titre 2), où il énonce « Maam Mor est mort. Vive Baay Mor. Le nom survivra! ». En effet, son grand-père et homonyme est mort quelques jours avant sa naissance. Egalement entend-il revivifier l’essence du rap. « Seul héritier légitime du micro des légendes », « iconoclaste » et « détenteur de la meilleure formule » selon lui (Gun a Gën, Titre , il s’attribue la mission d’endormir les doyens complaisants et de recadrer les jeunes déviants qui polluent son art. « Flambeau à la main, j’enverrai les grands à la retraite et les petits aux champs. C’est un egotrip à l’intention de jeunes comme moi pour dire qu’il suffit de talent et de discipline pour sortir brillamment du lot. Il faut s’écarter des habitudes interlopes et malsaines. Il faut la culture, se doter d’intelligence afin d’être utile pour soi et sa société. C’est le message », décrypte le rappeur. Sa direction est d’ailleurs clairement définie dans « L’Art et la manière », dans le titre 10 où il est impeccablement relancé par Y Dee.
Notre interlocuteur dit ne pas se souvenir de l’âge où il a découvert le rap ou s’en est passionné. Mais c’est en fin 2014 qu’il a débuté la pratique. Il a fait effectivement son initiation avec le groupe « Mémoirou Mbédd », à Keur Mbaye Fall. « C’est drôle, parce que nous étions un groupe de jeunes sans aucun son à l’actif. Nous écumions les podiums, faisions mettre un beat et nous lancions en freestyle. C’était un groupe audacieux et pour tout dire classique. C’est de là-bas, je crois, que j’ai puisé mon authenticité artistique. Celui que j’écoutais le plus à ce moment était PPS. Lyricalement, j’ambitionnais d’être comme lui », affirme Gun Mor.
Le quartier Keur Mbaye Fall est d’ailleurs depuis un certain moment crédité comme la capitale du rap galsen. Le rap qui vient de là-bas a beaucoup de qualités : clair, authentique, classique, propre, musical. « Peut-être parce que c’est un terreau de misère sociale et que le rap est une expression de révolte et d’ambitions, de rupture. Remarquez bien, cette zone était assimilée au banditisme il y a quelques années, mais la donne a changé », fait remarquer Gun Mor, qualifiant le rap aussi bien d’exutoire que de solution. Son essence-même. Malgré toute la « rage », Gun Mor n’oublie pas l’amour. Il le chante dans « Amour inconditionnel » (Titre 11) et « Tu me fuis je te suis » (Titre 12), lui le « King » (Titre 13).
Mamadou Oumar KAMARA » Moka Kamara »
C.P : Sidy Talla
Redaction: Dakmedina.com