Transhumance politique : le cancer qui gangrène la démocratie sénégalaise
octobre 16, 2024
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Depuis l’aube de l’indépendance, la scène politique sénégalaise est marquée par un phénomène persistant : la transhumance politique. Ce terme, désormais bien ancré dans le langage courant, désigne
Depuis l’aube de l’indépendance, la scène politique sénégalaise est marquée par un phénomène persistant : la transhumance politique. Ce terme, désormais bien ancré dans le langage courant, désigne le déplacement opportuniste des politiciens d’un camp à un autre, souvent pour des raisons qui relèvent davantage de l’intérêt personnel que de la conviction. Ce mouvement, qui traverse les différents régimes qui ont marqué l’histoire du Sénégal, est devenu, au fil du temps, une véritable plaie pour la démocratie sénégalaise.
Historique d'un mal enraciné
Sous les différents régimes qui se sont succédé, de Léopold Sédar Senghor à Macky Sall, en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, la transhumance a toujours été un refuge commode pour les politiciens en quête de rédemption ou d’opportunités. Pour beaucoup, rejoindre le camp du pouvoir permet de s’éviter les difficultés de l’opposition, un espace souvent perçu comme stérile ou risqué. Il suffit de changer de camp, d’adopter un nouveau discours, et soudain, les portes s’ouvrent, les promesses de postes et de protections se concrétisent. Cette pratique, souvent déguisée sous le prétexte de « servir la nation » ou de répondre à « l’appel de la patrie », se révèle être une simple manœuvre pour échapper aux pressions de la justice ou aux difficultés politiques.
La nouvelle forme de transhumance : soutien sans condition
Dans le contexte actuel, une nouvelle forme de transhumance est apparue. Plutôt que de changer ouvertement de camp, certains politiciens préfèrent afficher un « soutien sans condition », une manière détournée de s’allier aux tenants du pouvoir sans porter explicitement l’étiquette de transfuge. Ce subterfuge a pris de l’ampleur malgré les mises en garde d’Ousmane Sonko, figure de l’opposition, qui avait clairement averti : que chacun reste à sa place. Ce message était un appel à la cohérence, à la fidélité aux convictions politiques, mais face à l’ingéniosité des acteurs politiques sénégalais, une voie de contournement a été trouvée. Les soutiens sans condition prolifèrent, nourrissant un cynisme déjà bien implanté.
Un cycle qui se perpétue
Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. En érigant la transhumance en règle tacite de la politique, les hommes politiques sénégalais ont montré qu’ils sont prêts à toutes les pirouettes pour rester dans la course. Qu’il s’agisse de protéger des intérêts personnels ou de fuir les rigueurs d’une justice qui les guette, la transhumance apparaît comme une fuite en avant, un moyen de maintenir un statu quo où l’intérêt général est souvent relégué au second plan.
En réalité, la transhumance n’est rien d’autre qu’une forme de « prostitution politique », une trahison des idéaux qui conduit à un affaiblissement du débat démocratique. Elle mine la confiance des citoyens dans les institutions et participe à l’enracinement d’une classe politique déconnectée des réalités du pays. Si l’on fait le bilan des différentes vagues de transhumance depuis les premiers régimes, il devient évident que ce phénomène n’a apporté que division et stagnation.
L’appel à la rupture
Le Sénégal a besoin de renouveler ses pratiques politiques. Face aux défis multiples que rencontre la nation, il est crucial que les acteurs politiques fassent preuve de courage et d’intégrité. Ousmane Sonko, malgré ses controverses, a posé une question essentielle : pouvons-nous, en tant que nation, continuer à tolérer cette valse des convictions ? Il est temps que le Sénégal tourne la page de la transhumance et trouve une voie où l’engagement politique ne soit plus un tremplin personnel, mais un véritable service à la nation.
En somme, la démocratie repose sur un équilibre entre une majorité qui gouverne et une opposition qui joue pleinement son rôle. La transhumance, véritable fléau pour le système politique, affaiblit ce nécessaire contrepoids en offrant une échappatoire facile. Pour bâtir un Sénégal nouveau, il est crucial que les acteurs politiques adoptent des principes solides, résistent aux tentations opportunistes, et privilégient la loyauté et la conviction dans leur engagement.