La loi d’amnistie adoptée sous la présidence de Macky Sall continue de faire débat. Présentée comme un instrument de pacification et de cohésion nationale, elle est aujourd’hui remise en cause par une partie de la classe politique sénégalaise. Entre partisans de son abrogation totale et défenseurs d’une révision partielle, la bataille politique autour de cette loi soulève des interrogations profondes sur la justice, la démocratie et la mémoire collective.

Une amnistie aux contours contestés

Adoptée en mars 2024, la loi d’amnistie devait, selon Macky Sall, « raffermir davantage la cohésion nationale et maintenir le rayonnement démocratique du Sénégal ». Pourtant, dès son adoption, elle avait suscité de vives critiques. Nombreux étaient ceux qui l’accusaient d’être une prime à l’impunité, une trahison des victimes des crises politiques de 2021-2024 et un moyen d’effacer les responsabilités des violences qui ont coûté la vie à 86 Sénégalais.

En offrant une immunité inconditionnelle aux auteurs de violations des droits de l’homme sans exigence de reconnaissance ou de réparation, cette loi a été perçue comme un obstacle à la justice. Aujourd’hui, la promesse d’abrogation portée par l’opposition, lorsqu’elle était hors du pouvoir, se heurte à de nouvelles réalités politiques.

Abrogation totale ou partielle : un dilemme politique

Le député Thierno Alassane Sall a récemment porté une proposition de loi pour une abrogation totale de la loi d’amnistie, mais celle-ci a été rejetée par le bureau de l’Assemblée nationale. À l’inverse, les hommes du régime actuel, désormais au pouvoir, ont déposé une proposition de loi visant une abrogation partielle et une révision de certains articles. Mercredi dernier, la proposition du député Amadou Ba (Pastef) portant sur une « loi interprétative » de l’amnistie a été retenue, tandis que celle de Thierno Alassane Sall a été écartée.

Dès lors, une question fondamentale se pose : pourquoi une abrogation partielle et non totale ? Qui a peur de l’abrogation totale de l’amnistie ? Ce refus d’aller jusqu’au bout nourrit la suspicion d’une instrumentalisation politique de la justice. Une « loi des vainqueurs » serait-elle en train de se mettre en place ?

Justice et vérité : un équilibre fragile

Derrière ces manœuvres législatives, c’est la question de la justice pour les victimes qui demeure en suspens. L’amnistie, souvent présentée comme un outil de réconciliation, peut aussi être une arme pour effacer les responsabilités politiques et pénales. Or, une démocratie ne peut se bâtir sur l’oubli des injustices. « Une société recourt à l’amnistie lorsqu’elle veut passer l’éponge sur l’ignominie », disait-on.

Rendre justice aux victimes ne devrait pas être une option, mais une exigence. Cependant, entre les considérations politiques et les équilibres de pouvoir, la volonté d’abroger totalement la loi d’amnistie semble freinée par la crainte des conséquences politiques et judiciaires.

Une amnistie ou une amnésie ?

En l’état actuel, la loi d’amnistie ne semble plus être un outil de réconciliation, mais plutôt un instrument de contrôle politique. Les réticences à son abrogation totale posent la question de l’engagement réel des dirigeants en faveur de la vérité et de la justice.

Les Sénégalais ont-ils droit à une justice impartiale, ou devront-ils se contenter d’une mémoire tronquée ? L’histoire jugera. Mais une chose est certaine : la réconciliation ne peut être durable que si elle repose sur la vérité et la reconnaissance des torts subis.

Par: Colylamine

Redaction: Dakmedina.com