SÉNÉGAL : TROIS ALTERNANCES ET APRÈS ? Alternance sans alternative ou simple rotation des dirigeants ?
mars 19, 2025
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Le 19 mars 2000, le Sénégal écrivait une nouvelle page de son histoire. Pour la première fois, une opposition triomphait des urnes, mettant fin à quarante ans de
Le 19 mars 2000, le Sénégal écrivait une nouvelle page de son histoire. Pour la première fois, une opposition triomphait des urnes, mettant fin à quarante ans de règne du Parti socialiste. Me Abdoulaye Wade, après plusieurs décennies de lutte politique, accédait enfin au pouvoir avec un cri de guerre retentissant : « Travailler, encore travailler, beaucoup travailler ». Un slogan plein de promesses… mais qui, au fil des années, a fini par résonner comme une litanie creuse, noyée dans les scandales et l’éternel ballet des politiciens en quête de sinécures.
Douze ans plus tard, en 2012, une nouvelle alternance portait Macky Sall à la tête du pays. Lui aussi promettait la rupture, brandissant fièrement la bannière d’une « gouvernance sobre et vertueuse », martelant que désormais, ce serait « la patrie avant le parti ». Mais bien vite, la patrie a vu défiler les mêmes visages, tandis que les familles des élites continuaient de prospérer. Transhumance, enrichissement suspect, justice à géométrie variable… Finalement, la gouvernance vertueuse ressemblait étrangement à celle d’avant, à quelques nuances de discours près.
Mars 2024 a sonné l’heure d’une troisième alternance avec l’arrivée du duo Bassirou Diomaye Faye – Ousmane Sonko, porté par une ferveur populaire inédite et un slogan à l’allure de serment : « Jub, Jubeul, Jubeunté » (Être juste, intègre et transparent). Les Sénégalais, lassés des désillusions, veulent croire que cette fois, la rupture sera réelle. Mais déjà, certains s’interrogent : ce changement de locataires à la présidence et à la primature sera-t-il enfin synonyme de transformation profonde ou une simple répétition du passé sous un emballage neuf ?
Trois alternances, trois illusions ?
À chaque alternance, le Sénégal a espéré un renouveau. À chaque fois, il a été rappelé à la dure réalité du pouvoir : un système solidement ancré où l’intérêt général peine à primer sur les intérêts particuliers.
Avec Wade, on devait « travailler, encore travailler, beaucoup travailler », mais les Sénégalais ont surtout travaillé à comprendre où partaient les fonds publics. Sous Macky Sall, « la patrie avant le parti » s’est vite transformée en « la patrie, le parti et la famille », tant les affaires familiales se sont confondues avec celles de l’État. Désormais, « Jub, Jubeul, Jubeunté » promet un exercice du pouvoir plus transparent… mais l’histoire nous a appris à ne pas confondre promesses électorales et réalité gouvernementale.
Alternance de systèmes ou simple rotation des élites ?
Depuis 2000, le Sénégal a vu défiler trois présidents, mais les fondamentaux du pouvoir n’ont guère évolué. L’hyperprésidentialisme demeure, les institutions restent fragiles et le quotidien des citoyens ne s’améliore qu’à coups de discours bien rodés.
Les inégalités sociales persistent, le chômage des jeunes atteint des sommets, et la dépendance économique vis-à-vis de l’extérieur reste une réalité incontournable, tout comme la justice à géométrie variable. Pendant ce temps, les infrastructures fleurissent, mais les services publics stagnent. L’électricité flambe, et la vie chère pèse toujours sur les ménages.
Et maintenant ?
Alors que le Sénégal fête un quart de siècle d’alternances, une question demeure : et après ? Les Sénégalais savent sanctionner par les urnes, mais ils veulent désormais autre chose qu’un simple changement de visages. Ils réclament une vraie alternative, un modèle qui transcende les slogans pour produire des résultats tangibles.
Mars 2025 marquera-t-il le début d’une réelle transformation ou sera-t-il une nouvelle étape d’un cycle qui se répète ? Si « Jub, Jubeul, Jubeunté » se heurte aux mêmes résistances que « la patrie avant le parti » et « travailler, encore travailler, beaucoup travailler », alors une quatrième alternance se dessinera… et avec elle, les mêmes interrogations éternelles.