WALY DIOUF BODIAN : ENTRE CROISADE POLITIQUE ET GESTION PORTUAIRE , UNE POSTURE CONTROVERSÉE
mars 23, 2025
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Depuis sa nomination à la tête du Port autonome de Dakar, Waly Diouf Bodian multiplie les sorties médiatiques, souvent loin des préoccupations liées à la gestion du port.
Depuis sa nomination à la tête du Port autonome de Dakar, Waly Diouf Bodian multiplie les sorties médiatiques, souvent loin des préoccupations liées à la gestion du port. Ses interventions, marquées par une critique virulente de l’ancien régime, ciblent principalement l’Alliance pour la République (APR) et ses figures emblématiques. Cette posture soulève plusieurs interrogations sur le rôle d’un haut fonctionnaire dans le débat politique et les implications pour la gouvernance du pays.
Dans une récente vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, Waly Diouf Bodian s’en est violemment pris à l’APR, parti fondé par l’ex-président Macky Sall en 2008. Selon lui, cette formation politique n’a plus sa raison d’être et devrait être dissoute après l’interprétation de la loi d’amnistie actuellement en débat. Il reproche également à l’ancien régime d’avoir utilisé des nervis, ces hommes de main accusés d’avoir semé la terreur lors des manifestations politiques passées.
« Il est prouvé que les nervis étaient à la permanence de l’APR », affirme-t-il, accusant directement l’ancien pouvoir d’avoir orchestré des violences. Il revient également sur les événements de mars 2021, affirmant que ces milices « ont tué plus de gens que les forces de l’ordre ».
Mais ce n’est pas tout. Le directeur général du Port autonome de Dakar provoque ouvertement les militants de l’APR qui menacent de descendre dans la rue pour contester l’interprétation de la loi d’amnistie. « Ils ne sont pas des guerriers, qu’ils le fassent ! C’est ce qu’on attend », lance-t-il, dans une posture qui alimente davantage la tension politique.
Ces déclarations répétées posent un problème fondamental : où se situe la frontière entre engagement politique et responsabilité institutionnelle ? En tant que cadre du Pastef, Waly Diouf Bodian peut exprimer des opinions partisanes. Toutefois, en tant que directeur général d’une institution clé comme le Port autonome de Dakar, son rôle est censé être neutre et orienté vers des enjeux économiques et stratégiques.
L’influence de la politique sur l’administration publique n’est pas un phénomène nouveau au Sénégal. Toutefois, rarement un haut fonctionnaire n’aura affiché une posture aussi ouvertement combative, quitte à donner l’impression d’une vendetta personnelle contre l’ancien régime.
Cette posture pourrait fragiliser son autorité et créer des tensions internes au sein de l’administration portuaire. Un secteur aussi stratégique que le Port autonome de Dakar nécessite une vision à long terme, axée sur l’optimisation des infrastructures, la compétitivité régionale et l’attractivité des investissements. Or, les discours enflammés de M. Bodian peuvent détourner l’attention des véritables enjeux du secteur maritime.
Au-delà des attaques contre l’APR, Waly Diouf Bodian met en avant une volonté de « solder les comptes » avec l’ancien régime à travers la loi d’amnistie et son interprétation. Il annonce d’ailleurs son intention de porter plainte contre ceux qui étaient au Commissariat de Dieuppeul, sans toutefois préciser les faits reprochés.
Cette approche soulève plusieurs inquiétudes. L’amnistie devait, en théorie, permettre un apaisement du climat politique après les tensions des années précédentes. Or, l’insistance de M. Bodian à vouloir relancer des procédures judiciaires donne l’impression d’un retour en arrière et d’une réouverture des hostilités.
La dissolution de l’APR, qu’il appelle de ses vœux, s’inscrit dans cette logique. Mais une telle démarche, si elle était envisagée officiellement, poserait un sérieux problème démocratique : un parti peut-il être dissous pour des considérations purement politiques, en dehors d’un cadre judiciaire clair ?
Face à ces sorties récurrentes, le silence du président Bassirou Diomaye Faye et de son gouvernement pourrait être perçu comme un blanc-seing donné à cette radicalisation du discours. Or, le chef de l’État s’est engagé à instaurer une rupture avec les pratiques du passé, prônant la transparence, l’efficacité et une gouvernance inclusive.
L’attitude de Waly Diouf Bodian tranche avec cette ambition et expose le régime à un double risque :
Un climat politique délétère, où la logique de règlement de comptes prendrait le pas sur la réconciliation et la réforme.
Une perte de crédibilité de l’administration, si des responsables d’institutions publiques deviennent des figures de combat partisan au lieu de se concentrer sur leurs missions.
Il appartient désormais au président et à son entourage de fixer des limites claires pour éviter que la gestion de l’État ne se transforme en prolongement des rivalités politiques. Car à trop vouloir solder le passé, on risque de compromettre l’avenir.