CHRONIQUE – À QUEL DIALOGUE SE FIER ?Par: Colylamine
- mai 11, 2025
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Le mot dialogue, issu du grec dialogos — « dia » signifiant à travers, et « logos » la parole — suggère un échange traversant les cloisons de
Le mot dialogue, issu du grec dialogos — « dia » signifiant à travers, et « logos » la parole — suggère un échange traversant les cloisons de
Le mot dialogue, issu du grec dialogos — « dia » signifiant à travers, et « logos » la parole — suggère un échange traversant les cloisons de l’indifférence et de l’isolement. Il suppose écoute, réciprocité et co-construction. Mais à l’heure où le Sénégal renoue avec cet exercice démocratique, une question cruciale se pose : à quel dialogue se fier ? Et surtout, avec quels acteurs, quelles intentions, et pour quels résultats ?
Le président Bassirou Diomaye Faye a convoqué un Dialogue national pour le 28 mai, axé sur la démocratie, le processus électoral et les réformes institutionnelles. Un élan salué par une partie de l’opinion, mais freiné dans son élan par la dissonance entre le chef de l’État et son Premier ministre Ousmane Sonko. Ce dernier, lors du lancement du programme PAVIE 2, affirmait sans ambages : « Il n’y a pas de problème politique au Sénégal. »
Un pays de dialogue, mais à géométrie variable ?
Le Sénégal a toujours revendiqué une tradition de dialogue. Léopold Sédar Senghor parlait d’un « pays d’hospitalité et de palabre ». Mais alors, pourquoi le dialogue maintenant et pas hier, quand la démocratie suffoquait dans les gaz lacrymogènes et les prisons bondées ? Pourquoi cet appel aujourd’hui, émanant parfois des mêmes voix qui le récusaient hier ?
Cette volte-face alimente la confusion. Les rôles semblent inversés : les partisans du dialogue sont devenus ses critiques, et ses détracteurs d’hier en deviennent les promoteurs. Cela traduit un mal plus profond : l’instrumentalisation du dialogue comme levier de légitimité ou comme stratégie politique.
Dialogue politique ou économique ? Ni l’un sans l’autre.
Faut-il d’abord se parler pour régler nos divergences politiques, ou prioriser les urgences économiques ? La vérité est que les deux sont intrinsèquement liés. Une économie stable repose sur un socle politique apaisé. Et une réforme politique crédible nécessite une prospérité partagée pour s’enraciner. Le politique et l’économique sont les deux jambes d’un même corps.
Mais au fond, ne faudrait-il pas un dialogue culturel en amont, pour restaurer d’abord les fondements éthiques de notre vivre-ensemble ? Réapprendre à parler sans crier, à écouter sans mépriser, à débattre sans diviser. Car avant même de réformer les institutions ou les mécanismes électoraux, il faut réformer les mentalités.
Un dialogue à la recherche de ses acteurs
Peut-on véritablement parler de dialogue “inclusif” lorsque des figures de l’opposition comme Thierno Alassane Sall, des membres de l’APR et de l’ex-coalition Benno Bokk Yakaar, ainsi qu’une frange significative de l’opposition annoncent leur boycott en dénonçant une méthode jugée unilatérale ?
Peut-on sérieusement bâtir un consensus sans tous les piliers de la démocratie autour de la table ?
Que vaut un dialogue sans la confiance ?
Pourtant, l’enjeu est grand. Il s’agit de refonder un pacte républicain, de penser un modèle électoral robuste, de transformer la CENA en CENI, de donner un statut officiel au chef de l’opposition, de rationaliser la prolifération des partis. Autant de réformes profondes qui exigent, au-delà des slogans, une volonté politique réelle et une méthode rigoureuse.
Dialogue sincère ou dialogue de ruse ?
Le risque d’un dialogue de façade rôde. Une consultation de pure forme, destinée à cocher des cases plus qu’à soigner les fractures. Pour être fécond, le dialogue doit être permanent, sincère et véridique, et non un marché de dupes ou une comédie politique.
Le Sénégal, cette exception démocratique en Afrique de l’Ouest, ne peut se permettre une mascarade. L’heure est grave. Les attentes sont immenses. Il faut dialoguer, oui. Mais pas à n’importe quelle condition. Pas sans confiance. Pas sans mémoire. Pas sans clarté.
Finalement, dialogue ou pas dialogue, la vraie question demeure : qui porte la parole, avec quel cœur et pour quelle finalité ? Car ce n’est pas l’acte de dialoguer qui sauve une nation, mais l’âme qu’on y met.
Par: Colylamine
Rédaction: Dakmedina.com