Chronique: LE BRACELET ÉLECTRONIQUE DE LA JUSTICE : QUAND ISMAÏLA MADIOR FALL DEVIENT SON PROPRE COBAYE
mai 20, 2025
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Ironie, quand tu nous tiens. Ismaïla Madior Fall, ancien ministre de la Justice, juriste respecté, théoricien du droit et chantre des réformes pénales modernes, est aujourd’hui rattrapé par
Ironie, quand tu nous tiens. Ismaïla Madior Fall, ancien ministre de la Justice, juriste respecté, théoricien du droit et chantre des réformes pénales modernes, est aujourd’hui rattrapé par une invention qu’il avait fièrement portée sur les fonts baptismaux de la justice sénégalaise : le bracelet électronique.
Ce mardi 20 mai 2025, c’est à lui qu’a été apposé ce discret anneau de surveillance, décidé par la Commission d’instruction de la Haute Cour de justice. Une mesure assortie d’une assignation à résidence à Dakar, dans le cadre d’une affaire de corruption et de détournement de deniers publics. Le dossier ? Un marché public pour la construction d’un… centre de surveillance électronique.
Oui, celui-là même que le professeur Fall avait inauguré en grande pompe, comme ministre de la Justice. À l’époque, il vantait le bracelet électronique comme une alternative civilisée à la prison, un progrès salutaire pour désengorger les établissements pénitentiaires. « Un instrument moderne, efficace, respectueux des droits de l’homme », disait-il. Aujourd’hui, ce progrès l’encercle.
Selon les enquêteurs, l’ancien Garde des Sceaux aurait exigé un pot-de-vin dans le processus d’attribution du marché. Une affaire dévoilée par l’un des plaignants, Cheikh Guèye, aujourd’hui lui-même sous mandat de dépôt, tout comme Mohamed Anas El Bachir Wane, ex-directeur des Constructions au ministère.
L’audition d’Ismaïla Madior Fall s’est tenue à huis clos, en présence de ses avocats. Il en est ressorti, vêtu d’un boubou blanc, impassible, à 13h15mn Pas un mot à la presse. Le silence, comme dernier rempart d’une stature qui vacille ?
Ce feuilleton judiciaire prend une tournure aussi symbolique que cruelle. Car voir l’initiateur du bracelet électronique finir par en porter un, c’est plus qu’un fait divers : c’est une parabole sur le pouvoir, la morale et la justice. Et peut-être, un rappel que nul n’est à l’abri des mécanismes qu’il met lui-même en place.