CHRONIQUE – SOUS LES BOUGIES, LES BRAISES : QUAND L’ ANNIVERSAIRE DE SONKO DEVIENT UNE ARME POLITIQUE
juillet 16, 2025
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Il y a des anniversaires qui se fêtent en famille, dans la chaleur des souvenirs. Et puis il y a celui d’Ousmane Sonko, célébré cette année avec une
Il y a des anniversaires qui se fêtent en famille, dans la chaleur des souvenirs. Et puis il y a celui d’Ousmane Sonko, célébré cette année avec une ferveur qui dépasse le simple gâteau d’anniversaire. En réalité, ce n’était pas une fête, mais un meeting masqué. Un prétexte festif habillé en démonstration de force. Un ballon d’essai lancé en direction du palais présidentiel, pour rappeler que si Diomaye est président, Sonko reste le patron du tempo politique.
Car depuis la victoire historique du 24 mars, les lignes bougent. Les rôles se dessinent. Le peuple avait élu un duo, mais il découvre aujourd’hui deux trajectoires qui se croisent sans toujours se confondre. D’un côté, Bassirou Diomaye Faye, président sobre, républicain, en quête d’équilibre et de diplomatie. De l’autre, Ousmane Sonko, toujours chef de guerre, tribun en chef, stratège de la rue.
Et cet anniversaire, organisé comme un contre-rassemblement du pouvoir, sonne comme un rappel à l’ordre politique. Non pas à l’opposition, mais à Diomaye lui-même. Une sorte de « n’oublie pas qui t’a fait roi » que les militants les plus radicaux n’ont pas pris la peine d’enrober. Banderoles, discours musclés, démonstration de fidélité au « guide » : tout y était pour montrer que le cœur battant du Pastef ne loge pas encore à la Présidence.
Dans les coulisses, on parle de frictions de plus en plus visibles : désaccords sur les nominations, divergences sur la méthode, conflits autour de la gestion du parti et de son avenir. Diomaye veut institutionnaliser, Sonko veut radicaliser. Diomaye s’adresse à la Nation, Sonko à la rue. Leurs discours se répondent parfois, mais rarement à l’unisson. Et cette célébration politique camouflée en anniversaire ressemble à s’y méprendre à une démonstration de pouvoir parallèle, comme pour dire : le pouvoir exécutif t’appartient, mais le pouvoir populaire reste avec moi.
Derrière le gâteau et les chants, c’est l’ombre d’un affrontement qui plane. Celui du président élu qui veut s’émanciper, et du fondateur charismatique qui refuse d’être relégué au rôle de Premier ministre administratif. Et pendant ce temps, les adversaires du régime, bien plus rusés qu’on ne le croit, comptent les points et murmurent à qui veut l’entendre : « Encore un effort, et le tandem explosera. »
Mais peut-on vraiment parler de rupture ? Pas encore. Ce n’est pas un divorce, mais une prise de distance assumée. Une clarification des rôles que le peuple n’a pas encore validée. Le président Diomaye veut rassembler au-delà des bases militantes, élargir la gouvernance, éviter les clashs. Mais cela implique parfois d’ignorer les cris de ses propres soutiens. Et dans un mouvement comme Pastef, forgé dans l’adrénaline de la lutte, l’apaisement est parfois vécu comme une trahison.
L’anniversaire de Sonko, dans ce contexte, fut donc moins une célébration qu’une alerte. Une manière subtile (ou pas) de rappeler que le véritable thermomètre politique du régime ne se trouve pas dans les salons dorés de la présidence, mais bien dans la rue, les foules, et surtout dans les réseaux militants. Un avertissement de ceux qui veulent peser lourdement sur les décisions, quitte à tester les limites de la loyauté présidentielle.
Alors à qui profite la tension ? Pour l’instant, à personne. Mais si elle s’amplifie, elle pourrait offrir à l’opposition un boulevard, affaiblir la capacité de réforme du président, et transformer la dynamique d’espérance en guerre de clans.
Une chose est sûre : le pouvoir, une fois conquis, révèle les vérités que la lutte cachait. Et entre Sonko et Diomaye, la vérité est peut-être celle d’un compagnonnage contraint, où chacun tente désormais de réécrire le scénario à son avantage. En politique, même les anniversaires ne sont jamais innocents.